Elle a joué sous la direction de Park Chan-wook, d'Ang Lee, d'Ann Hui, de Johnnie To, de Mabel Cheung et de Michael Mann. Elle a tenu le premier rôle dans le meilleur film sud-coréen de 2022. C'est une immense actrice qui a bravé le sexisme du cinéma chinois. Tang Wei, a thread.

Vous connaissez sans doute Tang Wei pour son rôle de femme fatale dans l'excellent Decision To Leave (2022 🇰🇷) de Park Chan-wook, dans lequel elle joue aux côtés de Park Hae-il. C'est un super polar doublé d'une romance tragique. Une merveille de mise en scène, à voir absolument.

Mais bien avant d'être reconnue par ses pairs dans le monde entier et d'obtenir de nombreuses récompenses pour son rôle de Song Seo-rae, elle a connu un parcours chaotique qui aurait mis un terme à la carrière de plus d'une actrice. C'était sans compter sur sa détermination. 🔥

Tang Wei nait en 1979 et débute sa carrière d'actrice en 2004 à la télé chinoise, dans de petits rôles qui ne marqueront pas les esprits. Ce n'est que trois ans plus tard qu'elle décroche son premier rôle au cinéma dans Lust, Caution (2007 🇭🇰🇨🇳) d'Ang Lee, aux côté de Tony Leung.

Le film rencontre le succès à l'international mais fait grincer des dents en Chine. Il met en scène des collaborateurs chinois à la solde de l'armée japonaise pendant l'occupation, et comporte plusieurs scènes de sexe osées. Il est bien sûr censuré, mais ça ne s'arrête pas là.

Pour ce rôle jugé obscène et complaisant avec les collaborateurs, Tang Wei est mise à l'écart. Elle ne peut plus tourner en Chine, ses contrats publicitaires sont annulés, on la retire de la liste des invités aux événements du milieu. Elle est blacklistée par l'industrie.

Une décision sexiste qui transpire le conservatisme fascisant me direz vous, à raison. Tang Wei entame ainsi une traversée du désert. Heureusement, elle dispose de soutiens à l'étranger dont Ang Lee et l'actrice Maggie Cheung qui vont l'aider à poursuivre sa carrière à Hong Kong.

Trois ans plus tard, elle revient au cinéma dans deux films : Crossing Hennessy (2010 🇭🇰) d'Ivy Ho : une comédie romantique avec Jacky Cheung, et Late Autumn (2010 🇰🇷) de Kim Tae-yong, une romance éphémère et tragique avec Hyun Bin que je vous conseille tout particulièrement. 💙

Ça peut sembler court, comme ça, trois ans, mais Tang Wei a tout de même dû s'expatrier et apprendre le cantonais et l'anglais pour pouvoir continuer à travailler. Sans compter que si ces films marchent bien à Hong Kong et en Corée du Sud, ce n'est pas vraiment le cas en Chine.

Dans la foulée, sa mise au ban est finalement levée sur sa terre natale, et elle est invitée à jouer dans The Founding Of A Party (2011 🇨🇳) un film choral patriotique qui célèbre le 90ème anniversaire du PCC. Ses scènes seront toutefois coupées au montage après délibération.

Son retour en grâce, elle le doit en partie à Peter Chan et Donnie Yen, qui signent avec Wu Xia (2011 🇭🇰🇨🇳) un chouette thriller d'arts martiaux, dans lequel elle ne tient pourtant qu'un rôle mineur. Takeshi Kaneshiro est en revanche au sommet de sa forme en Sherlock sichuanais.

Puis les premiers rôles reviennent en Chine continentale, tout d'abord avec Finding Mr. Right (2013 🇨🇳) de la réalisatrice Xiaolu Xue, une sympathique romcom qui contient son lot de scènes très cool dont une où Tang Wei chante Singles Ladies et parle de Nuits blanches à Seattle :

L'année suivante, elle tourne dans The Golden Era (2014 🇭🇰🇨🇳) d'Ann Hui, un film de trois heures qui raconte la vie de Xiao Hong, une écrivaine et poétesse chinoise du début du XXème siècle. 2014 marque aussi l'année de son mariage avec le réalisateur sud-coréen Kim Tae-yong.

En 2015, attention : Tang Wei, partout, tout le temps, dans absolument tous les registres. Elle joue tout d'abord dans Hacker (2015 🇺🇸) de Michael Mann, aux côtés de Chris Hemsworth et Viola Davis. Je vous dirai simplement que ce n'est pas le meilleur film de Michael Mann, ahah.

Elle joue également dans la comédie musicale Office (2015 🇭🇰) de Johnnie To, écrite par Sylvia Chang. C'est une satire du capitalisme hongkongais, dont les chansons ne sont pas toutes très bonnes, mais qui dégage un charme fou, ne serait-ce que grâce à ses décors somptueux.

Et pour parachever cette année déjà bien remplie, elle tient le premier rôle féminin dans A Tale Of Three Cities (2015 🇭🇰🇨🇳) de Mabel Cheung, une belle romance qui a pour cadre la guerre civile chinoise. C'est bien évidemment co-écrit par la réalisatrice et Alex Law.

Sa carrière de nouveau sur les rails, Tang Wei va ensuite accepter l'un de ses rôles les plus importants, celui de Wang Qiwen dans le superbe film de Bi Gan, Un Grand voyage vers la nuit (2018 🇨🇳). Un film contemplatif, immersif et onirique, avec une photo vraiment incroyable.

Puis arrive Decision To Leave, et son rôle interprété en mandarin et en coréen. Au risque de me répéter, we stan a polyglot queen. 💙 Qui sait quel sera son prochain film ? Peut-être Wonderland, que son époux a commencé à produire en 2019, avec de nombreuses stars sud-coréennes.

En attendant vous pouvez découvrir ces quelques films ! On me demande souvent où trouver les œuvres dont je parle : dans le cas de Tang Wei j'ai bien peur qu'une grande partie de sa filmographie soit inaccessible en France. Mais certains films sont disponibles, je vous les liste.

Wu Xia : Canal+, BR Hacker : VOD, BR Office : VOD, BR Un Grand voyage vers la nuit : MUBI, VOD, BR Decision To Leave : VOD, BR Tout le reste est disponible en import, sur Yes Asia par exemple.

C'était encore une fois un plaisir de vous faire découvrir l'oeuvre de l'une de ces femmes qui font vivre le cinéma. Si c'est la première fois que vous tombez sur mon compte, n'hésitez pas à consulter mon tweet épinglé, j'ai écrit pas mal de trucs à force, ahah. Bisous. 🥰 https://t.co/YARjumaBFJ

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